Abbayes et prieurés
Revenons au début de la féodalité pour signaler l’activité économique et spirituelle des monastères, qui entretinrent souvent au départ le culte dans les paroisses, avec le soutien des premiers seigneurs.
Ce fut le cas à Acigné vers 1030, quand le duc Alain III concéda à sa sœur Adèle, première abbesse de l’abbaye Saint Georges à Rennes, de riches terres et villages sur Acigné, à savoir Epargé, Epinay et Grébusson. Raoul d’Acigné leur offrit en outre la maison du Plessis et Geoffroy d’Acigné leur fit don de trois portions de terre dans le bourg d’Acigné (où existe toujours une rue nommée Saint Georges).
Les religieuses de Saint Georges fondèrent le prieuré Notre-Dame du Hêtre au XIIeme siècle, au lieu-dit le Feu, près du village de Louvigné sur les bords du Chevré, à la limite entre Liffré et Acigné. C’est là que se retira Geoffroy d’Acigné à la fin de sa vie. Les religieuses possédaient aussi le manoir de Forges. Sur le tableau, peint par P. Monnet en 1947, on voit à droite les bâtiments conventuels et à gauche l’ancienne chapelle dédiée à St Marc, où l’on devine sa grande statue avec un lion couché.
Au XIIe siècle les moines de l’abbaye Saint Melaine de Rennes fondèrent de leur côté un prieuré à Acigné, au village de Bourgon. Il fut aboli pendant la guerre de Cent ans par l’antipape Jean XIII.
Au XIIe siècle en outre fut fondé à Acigné un autre prieuré, cistercien, appelé « grange » au village de Louvigné, sous l’impulsion d’un saint ermite nommé Haton, avec l’appui également de Geoffroy d’Acigné.
De ces trois prieurés d’Acigné, il ne reste plus aujourd’hui que quelques bâtiments au lieu-dit le Feu. Le reste a disparu.
Les abbayes amenèrent dans leur sillage la culture de la vigne, qui atteint son apogée au XIIIe siècle à Acigné, avant de décliner puis d’être remplacée par la production du cidre.
Aussi étonnant que cela puisse paraître, des documents attestent la culture de la vigne acignolaise autrefois à Monthélon, à Joval, à Grébusson, à Chanclin. Il reste aussi dans le bourg des réminiscences comme la rue du Clos des Vignes ou celle des Vignerons ou encore celle du Pressoir.
Manoirs et chapelles
A une époque où l’agriculture était l’activité de 90% de la population, le fait de disposer de bonnes terres labourables comme celles d’Acigné devait favoriser une certaine prospérité de la population, d’autant plus que la proximité de la ville de Rennes permettait l’écoulement des céréales et produits agro-alimentaires.
C’est pourquoi l’on observe encore sur le territoire d’Acigné des vestiges de fermes qui ont dû autrefois être cossues.
On remarque également une bonne quantité d’anciens manoirs ou maisons nobles, preuves d’une certaine aisance et puissance. Ayant appartenu primitivement à des nobles, ces bâtiments furent peu à peu rachetés par des bourgeois, particulièrement des hommes de loi de Rennes, alors assez nombreux. Il y en avait une bonne vingtaine parmi lesquels les châteaux de la Motte et des Onglées, les manoirs d’Escures, de la Méraudière, de la Boissellerie, du Hil, de Forges, de la Havardière, de la Ville-Aubrée, de la Ville-Guy, de Monthélon, d’Ifer, de la Rougerais, d’Epinay, de la Beschère et du Breil, le logis de Vaugeslan, les maisons nobles de la Grétais, de Guichet, du Plessis et de Bout de Lande.
Ces édifices appartenaient au XVe siècle à cinq ou six familles nobles, dont la progéniture était alors nombreuse. Les manoirs étaient souvent flanqués de chapelles, construites et entretenues par la noblesse. Il en existait autrefois douze sur le territoire d’Acigné. Après la Révolution, la plupart ont disparu, faute d’entretien. Il n’en reste que quelques vestiges actuellement, dont la chapelle des Onglées joliment décorée et l’extérieur de la chapelle du Hil avec la statue de Saint Gorgon. Il reste en outre quelques traces à Haut–Forge.
Le bourg d’Acigné autrefois
Sous l’Ancien Régime, le visage du bourg d’Acigné devait être sensiblement différent de celui d’aujourd’hui.
En effet, on y trouvait un auditoire et une halle (au nord-est de l’église), des fours banaux (rue du Grand Four) et une prison, une auberge (au nord-est de l’église) précédée d’un porche, l’hôtel Saint Georges (en face du presbytère), de belles maisons : la Maison aux Chevaliers (rue de Calais), la Maison des Notaires (en face de la place de l’église).
Au nord du pont se trouvait un hôpital fondé par les seigneurs d’Acigné, et près de lui, deux chapelles, sur le côté Est de la route, l’une dédiée à Saint Julien et l’autre à Saint Antoine.
Le pont lui-même était situé plus près des moulins et d’un aspect plus rudimentaire.
L’église, qui appartenait à la collégiale des chanoines de Rennes au XIe siècle, fut cédée à l’abbaye des Bénédictins de Saint Melaine en 1174. Pierre d’Acigné, vers 1400, enrichit l’église de reliques, et en 1411 le seigneur d’Acigné laissa par testament dix sols au recteur d’Acigné et dix sols à chacun des neufs chapelains de la paroisse. Comme quoi le clergé abondait à l’époque ! Restaurée ou rebâtie au XVIe siècle, l’église a été démolie et reconstruite en 1901-1904 par le fameux architecte Arthur Régnault. A l’intérieur a été conservé le meilleur des siècles précédents, notamment un rétable lavallois polychrome datant des années 1670 et une chaire de 1789.
Périodes troublées
Au cours des siècles, Acigné connut bien des vicissitudes et ne put éviter quelques déboires. En voici quelques exemples :
Alain II, seigneur d’Acigné, s’était désolidarisé du duc de Bretagne Pierre Mauclerc dans la guerre qui l’opposa au roi de France Saint Louis. En répression, le duc fit ravager Acigné par des soudards au printemps 1234. Il n’y eut, semble-t-il, pas de morts, mais le manoir, le bourg et les moulins d’Acigné furent incendiés et les bois seigneuriaux abattus. Pierre Mauclerc, ayant finalement perdu la guerre, fut obligé ensuite d’offrir des dédommagements au seigneur d’Acigné.
Durant la guerre de Cent ans, au début du XVe siècle, Acigné fut décimé soit par la guerre (raid anglais ? attaque de brigands ?) soit par une épidémie (la peste ?). Toujours est-il que deux émissaires, envoyés par le duc Jean V sur place le 11 novembre 1427, constatèrent qu’Acigné avait perdu un tiers de sa population. 42 maisons était abandonnées. On dut faire venir des laboureurs du Poitou pour repeupler la paroisse.
Pendant les guerres de religion, la paroisse d’Acigné semble avoir peu souffert des troubles, peut-être grâce au mariage de Judith d’Acigné avec un chef de la Ligue catholique. Cependant François d’Acigné, frère cadet du seigneur d’Acigné, fut tué dans les rangs protestants à la bataille de Jarnac en 1569. D’autre part, la paroisse voisine de Noyal-sur-Vilaine subit les pillages des troupes de la Ligue, qui poussèrent leurs incursions jusqu’au manoir de la Havardière en 1589.
Pendant la Révolution française, la commune d’Acigné fut un peu secouée, mais resta relativement préservée des grands drames. Le curé d’Acigné, l’abbé Paul le Tranchant, et son vicaire, l’abbé Lévêque, refusèrent de préter serment à la Constitution Civile du Clergé en 1791. La population prit fait et cause pour eux. Aussi une expédition punitive fut-elle entreprise par différentes gardes nationales de paroisses voisines, notamment de Noyal et de Servon. Le 6 avril 1792, en toute illégalité, des gardes nationaux envahirent le bourg, pillèrent et dégradèrent le presbytère ainsi que les maisons du maire Ridouel et du notaire Hervoches. Les sculptures de la chaire, toute neuve, de l’église furent tailladées à coups de sabre. Trois jours plus tard, les élus du département écrivirent à toutes les municipalités d’Ille-et-Vilaine pour dénoncer les excès commis à Acigné et fustiger les désordres. L’abbé le Tranchant dut finalement partir et son vicaire fut incarcéré. On les remplaça par un prêtre constitutionnel, l’abbé Callier qui, en butte à l’hostilité de la population, finit par abandonner la prêtrise en 1794. De ces événements la commune d’Acigné gardera la réputation de manquer d’ardeur révolutionnaire. Un canton fut créé qui regroupait, sous la Révolution, cinq communes : Acigné, Brécé, Noyal, Thorigné, Servon. Le chef-lieu était fixé à Noyal-sur-Vilaine. Le commissaire du directoire de Noyal décrivit en 1799 l’esprit public d’ Acigné en des termes peu flatteurs, disant que la garde nationale évaluée à 242 hommes ne comportait que 18 vrais patriotes. La population représentait alors environ 1900 à 2000 habitants.
Pendant la Terreur, la commune d’Acigné se signala par des désertions de jeunes gens réquisitionnés pour la levée des troupes. Un fait à noter : la commune d’Acigné fut désignée pour fournir le bois qui devait servir à construire une guillotine pour la ville de Rennes. Sinistre choix dû à la bonne réputation du bois d’Acigné ! Pendant la Révolution, quelques nobles possédant des terres sur Acigné émigrèrent. Leurs biens furent confisqués et mis en vente. Ce fut le cas pour les fermes de la Beschère, d’Ifer et l’étang de la Haute Forge. Même chose pour les biens d’église : le prieuré de la Motte, quelques fermes et une vingtaine de champs ou jardins dépendant de la fabrique paroissiale. La plupart de ces biens furent achetés par des marchands rennais.
En opposition à la Révolution, quelques chouans se manifestèrent sur la commune à partir de 1795. Ils obligèrent le notaire Chalmel à se réfugier à Rennes en 1795. Un chouan nommé Joseph Fouillard, ouvrier agricole né au village de Louvigné, défraya longtemps la chronique de 1794 à 1798 par ses actions et aussi ses évasions. Recherché par la Police nationale, il fut tué en 1798 à Betton, après une longue traque intercommunale. Il avait 23 ans. Pendant la Révolution à Acigné, en comparaison d’autres secteurs, les drames restèrent malgré tout limités dans une période très agitée.